Le froid. Machinalement, j'enfonce le bas de mon visage dans le col en laine qui enserre mon cou en quête d'un peu de chaleur alors que mes pieds me guident d'eux mêmes vers le centre d'examen. Tous les mardis à 8h, j'y suis convoqué comme tous les autres tarés de ma catégorie, les Dopas. La porte du cabinet se ferme et je me contente d'attendre, les bras ballants, ressortant dix minutes plus tard avec un joli pansement factice au bras qui fait parfaitement illusion. Faire semblant, porter un masque, ça m'amuse je dois dire mais ... pour combien de temps encore ? Les regards vides, les lèvres entrouvertes, les silhouettes en position fœtale, on ne m'a pas préparé à ça et jamais je n'aurais imaginé que certains cas soient aussi ... avancés.

Il y a deux ans, quand mes parents m'ont fait part de leur engagement auprès du projet Némésis j'aurais dû y réfléchir à deux fois avant de les suivre aveuglément. Je n'y voyais que la promesse d'une vie facile, pleine de rebondissements et unique. Çà, ils se sont pas foutus de ma gueule, néanmoins, j'imaginais les cobayes moins dérangés. Après quelques tests de personnalité, on a fini par décider qu'un cobaye Dopa serait le plus simple pour moi à imiter. Je me suis donc entraîné, pendant deux longues années à jouer au fou, le but étant de ne pas éveiller les soupçons des sujets à observer.

" Tu verras, ça s'arrangera ... " Facile pour ma mère de dire ça, bien planqué dans son laboratoire. Les premiers jours sont difficiles, il y a déjà eu plusieurs crises et en plus, j'ai l'impression que les gens de ma catégorie sont les plus bizarres. Les seuls moments de réconfort sont les quelques minutes par jour pendant lesquels j'arrive à voir mes parents. Les autres observateurs ? On évite de se fréquenter, car après tout on est là pour observer les cobayes et non les gens normaux.

Moi qui ait toujours été un garçon plein de vie, souriant et aventureux, j'ai l'impression qu'en quelques jours déjà, mon moral baisse. Je ne me reconnais pas dans ceux qui m'entourent, heureusement d'ailleurs, le contraire serait inquiétant. Mais je me force à sortir, à faire le premier pas, même si je reste constamment sur mes gardes, qui sait ce que ces gens sont capables de faire après tout ...