La première fois... je ne m'en souviens pas. Je ne me rappel de rien avant mes 7 ans. Absolument rien. Ni où je suis né, ni où j'ai vécu, ni même avec qui. Il paraît que j'avais une sœur mais elle est décédée quand elle n'était encore qu'un nourrisson. Mes parents ont toujours essayé d'avoir un nouvel avorton pour me remplacer. Parce que moi, j'étais condamné. Comme ma sœur. Sauf que moi, c'est pas la mort qui allait me prendre. Mais à chaque fois qu'ils ont essayé, ça se résolvait par un profond échec. Dommage j'ai envie de dire. On ne récolte que ce que l'on sème. Ils ont voulu me vendre pour avoir un peu de fric, ils ont perdu leur enfant et la possibilité d'en avoir un autre. Je suis content de cette décision de dame nature même si elle m'a fait venir au monde au mauvais moment.
Les larmes. Cette eau salée qui s'échappe de mes yeux. Cette vision trouble et l'impression qu'un rideau opaque nous enveloppe. Il pleut. C'est la première fois que je pleure. Je ne sais même pas pourquoi. J'ai toujours aimé ce goût. L'eau salée. Les larmes. Je n'ai jamais vraiment eu de gestes tendres envers ma génitrice mais quand je la vois pleurer, je ne peux pas me contrôler, il faut que j'embrasse ses joues, effaçant ses larmes de mes lèvres. J'aime ce goût. Et elle qui prends ça comme un geste de réconfort...

Pitié, ne me fais pas mal.
Il y a ses piqûres. Lassantes. Douloureuses. Depuis ma naissante j'en suis bourré. Depuis le début de ma vie on a décidé de faire de moi une véritable marionnette. Une chose que l'on façonne à sa façon. Une chose qui servira à je ne sais quelle idéologie. Je n'ai pas cherché à en apprendre plus sur mon traitement. Je me laisse faire parce que j'y suis habitué, parce que je m'en fiche un peu. Ce sourire. Je ris. Je ris et j'en ai mal à la gorge. Pourquoi je ris ? Il n'y a rien de drôle dans ce qui se passe devant moi. Une rue. Des magasins. Des gens. Et je ris. Ils me regardent tous comme si j'étais fou. Je ne suis pas fou, j'ai juste cette envie de rire qui me prends aux tripes. Je ris à en pleurer. Mais ça me fait du bien, je me sens presque aussi vivant qu'un être humain. Ma mère me tire par le bras. On doit repartir. Elle dit que j'en ai assez vu comme ça pour aujourd'hui. Doit-on se demander si le traitement fait effet ? Je semble ne pas suivre totalement le bon déroulement des choses. Je devrais être un peu moins expressif. Un peu plus dans l'apprentissage que dans la pratique. J'allais donc étudier encore un peu. Apprendre à gérer un peu mes émotions et à faire plus attention à celles des autres.

Pitié, pourquoi me fais-tu mal?
Je suis seul. Dans cette ville. Seul dans ces rues. Mes géniteurs sont partis, ils ont déménagé. Avec ce paquet de fric qu'ils ont gagné sur mon dos. Ils m'ont vendus contre leur liberté et leur plein confort. Je n'ai plus rien et je suis seul. Je regarde le monde tourner autour de moi et moi, je suis à un stade critique. Qui je suis ? Je ne sais plus. Parfois, je ne me rappelle pas de mon prénom. Du moins, je l'oublie. Je m'en invente. Je fais comme si j'étais différent, comme si j'étais un être humain normal. Vous êtes tous des cobayes, moi je crois que je suis juste un mignon petit oiseau. J'aimerais voler. Je me vois parcourir les pays à la simple forces de mes ailes. Des ailes. Est-ce que j'en ai vraiment ? Où est-ce que c'est cette drogue que l'on m'a offert contre un petit service buccalement sexuel ? Je plane. Je suis bien. Et je ris encore. Je ris et je pleure, à m'en fendre l'âme. Des doigts s'enroulent autour de mon poignet. Je ne réagis pas. Il m'entraine. Juste pas loin. Juste à côté. Je ne sais même pas si j'ai encore la notion du temps vu l'état dans lequel je suis. Et je ris toujours.

Pitié, dois-je apprécier d'avoir mal?
Mon corps se tend. J'ai chaud. La sueur perle sur ma peau et des millions de petits grains parsèment mon épiderme. De ma gorge s'échappe des bruits parasites. Comme des longs cris d'agonie. Le corps qui me chevauche en demande toujours plus et j'ai l'impression que je vais m'évanouir. Ma main se referme sur le drap que mes ongles griffent et éraflent. La douleur est si bonne. Je ne suis plus un oiseau. Je suis un chat. Un chat atteins de la rage. Mes dents se plantent dans cette peau offerte. Je mord. Je mord jusqu'à ce que je sente ce goût âcre du sang entre mes lèvres. C'est bon. Il pleure. Je me rappel ce goût salé que j'aime tant. Je les sens sur mes lèvres et j'aime toujours ce goût. Il a mal. Il me le dis sans parler. Je l'entends au fond de moi. Je sais qu'il a mal et qu'il veut que j'arrête. Mon plaisir atteins son paroxysme. Je m'effondre, c'est la fin. Le septième ciel. J'ouvre les yeux, je suis seul dans cette chambre. Je l'ai toujours été depuis le début. Mon bras saigne. Je me suis mordu. Je ris. Encore.

Ils m'ont emmené avec eux. Je dois vivre une nouvelle vie avec tous les autres. Ces autres qui sont comme moi, ou presque. Sauf que moi, je suis un raté. Un raté et un dangereux raté. Un échec total. Je ne suis pas une erreur rattrapable. Je suis juste un fou paranoïaque schizophrène. J'entends vos pensées. Ou je les interprète à ma façon même si parfois, je me les invente. Chut... Ne dites plus rien. Ne me posez plus de questions. Promis, ce soir... je serais votre marionnette.

Pitié, fais moi mal.