eight
L'enfant regarde en face. Ses amis jouent tous ensemble. Ils sont tous les uns à côté des autres, ils rient tous ensemble, ils sourient ensemble, ils se tapotent gentiment ensemble. Lui, il est tout seul. Il rit tout seul. Il sourit tout seul. Et il se tape tout seul, il se tapote le bras, et des fois, il se parle seul. Il n'est pas fou, il n'est pas asocial, il n'a rien fait de méchant, ce sont les autres. Ce sont eux qui l'éloignent. Il ne fait qu'observer, il les regarde, il les admire. Lui aussi, veut jouer avec eux. Mais lui, il est trop fragile, il est trop sensible, il est trop petit, ou bien, il est trop jeune pour jouer avec eux. Toutes les excuses sont bonnes. Je suis si ennuyant ? . Il fixe ses pieds, puis ses jambes, ses mains, qu'il admire. Ce sont ses seules amies. Il joue avec ses doigts, les croise, tout en soupirant. Il n'a jamais eu de chance. Le gamin est mignon, il a une bonne bouille, mais peut-être trop bonne ? Peut-être sont-ils jaloux ? Oui, c'est ça. Il s'auto-console. Sa mère n'est plus là depuis un moment, il vit avec sa tante, sa gentille tante, sa sénile de tante. Cette femme qui ne sait même plus parler coréen. Cette femme qui parle un langage totalement différent. C'est du martien. Il a toujours une pensée pour rire. C'est du martien, oui. C'est le seul langage qu'il ne pourra jamais apprendre. De toute manière, elle va venir. Elle l'a déposé au parc, pour aller chercher ce dont elle a besoin pour vivre ; ses médicaments. Il a hâte. Même si cette femme perd complètement la boule, il discute tout le temps avec elle. Elle gagne de l'argent, merci chômage. Viens me chercher, je m'ennuie. Parler seul mentalement, c'est tellement habituel. Il relève légèrement sa petite tête de poupon, avant de se prendre une boule de boue. Quoi .. ? Il tourne légèrement sa tête, et tombe nez à nez avec le groupe qu'il observait précédemment. Il passe sa main sur sa joue, en grimaçant légèrement. La sensation visqueuse de la boue contre sa peau est très désagréable. Il fixe la troupe de gamin. Ce ne sont pas mes amis ? Il n'a, semble-t-il, toujours pas compris que personne n'est son ami. Il fait une moue, s'attriste tout seul, tout en essuyant sa main sale sur son pantalon. Ce ne sont pas mes amis. Ils ne l'ont jamais été. Il pose sa main dans la terre, malaxant cette dernière, préparant un projectile pour les enfants. Seulement, au moment où sa main se levait, il sent une pression sur son épaule. Jimmy ? On y va. Le dit Jimmy se lève, lâchant rapidement sa munition, attrapant rapidement la main de la femme.
eighteen
Toutes mes condoléances. C'est une phrase qui arrive souvent, très souvent même, aux oreilles du jeune brun. Depuis une semaine. J'ai de la chance, je suis majeur. Un accident assez contradictoire s'est produit. C'est vraiment arrivé vite. Elle n'a pas souffert, enfin, je pense .. Cette phrase aussi, revenait souvent. Elle n'a pas souffert ? Mais, est-ce qu'il en avait seulement quelque chose à foutre ? Elle a fait son temps. Ses pensées sont peut-être sinistres, méchantes voire cruelles, mais elles ne sont que la pure vérité. Sa tante a bien fait son temps. Puis, c'est pas de ma faute, si elle était au mauvais en droit au mauvais moment. Elle traversait tranquillement la route, lorsqu'un chauffard ivrogne a eu vite fait de la renverser, et de l'envoyer en l'air, de la déchirer, et, bien sûr, de la tuer. Si je le retrouve, je l'envoie à la police. Elle a peut-être fait son temps, mais qui sait, elle aurait pu vivre un an, deux ans, voire cinq de plus ? J'ai pas à m'en faire, il ira en Enfer. Savoir cet irresponsable en Enfer lui mettait du baume au coeur. Même si c'était futile et puéril. Puis, maintenant, je suis libre. Je suis seul. Je peux faire ce que je veux. C'est vrai. Il est bien seul, bien libre, et il peut bien faire ce qu'il veut. Pourtant .. ce ne sera plus jamais pareil. Il sent son coeur se compresser. Une douleur horrible l'envahit. Tata ... qu'est-ce que je vais faire ? Sa gorge se noue, sa vue se brouille. Je vais vivre comment ? Je vais faire quoi de ma putain de vie ? Comment je fais ? Comment je vis ? Où je vais ? J'ai pas un seul truc dans la tête ! J'ai jamais étudié, j'ai jamais aimé ça, j'ai- Il sent un liquide couler le long de ses joues. Son sang ne fait qu'un tour. Il pleure comme un gamin. Et pourquoi ? Pour une vieille femme sénile et inutile. Qu'est-ce que tu racontes Jimmy, tu deviens aussi timbré que cette mocheté folle ? Tu fous quoi mon grand ? Bouge ton cul, arrête de chouiner comme une fille. Il hoche la tête à ses propres propos mentaux, se redresse et inspire toute sa tristesse. Après tout, Jimmy, avec ou sans elle, tu resteras le même abruti.

twenty two
Assit contre un arbre, le revoilà à faire la même activité qu'il faisait lors de ses huit ans. C'est amusant, de les regarder. Il fixe, il note, il retient tout ce qu'il voit. Tout peut être utile. Il a des rapports à remplir. Si je le fais mal, on va me foutre des mikados dans les yeux. Il pouffe légèrement, avant de reprendre du sérieux. L'été frappe contre sa tête, le soleil lui donne légèrement chaud. Jimmy ! Tu veux venir boire un truc avec nous ! Il lève lentement sa tête vers la voix qui vient tout juste de s'élever. Il lâche un léger sourire, tout en hochant la tête. Pourquoi ne pas venir ? Faire comme si j'étais leur ami, c'est ce qu'ils ont dit. Dit-il tout en se levant, prenant appuie sur le tronc de ce qui était son dossier. Je dois bien jouer la comédie. Il sourit. Jimmy, tu penses qu'elle va m'aimer ? Il murmure un oui, un oui bien-sûr, même. Quel hypocrite je fais. T'as vu ta gueule ? T'es laid comme une bite, tu crois vraiment qu'elle va t'aimer ? Arrête de fantasmer. Il suit son "ami". Cet ami qui a une fille en vue, qui la drague lourdement depuis plus d'un mois. Qu'il est lourd .. Alors qu'ils boivent le café, qu'ils lui parlent, Jimmy, lui, hoche simplement la tête, souriant légèrement. Surtout, tu te dois d'être gentil et d'avoir leur confiance. Peace man, même si ils te cassent les couilles. Jimmy n'aime pas lorsqu'on lui parle beaucoup. Il n'aime pas vraiment avoir toute l'attention des gens. Mais qu'y peut-il, je suis attirant. Un sourire légèrement fier vient se poser sur ses lèvres, alors qu'il se lève, tout en disant au revoir aux deux personnes avec qui il a bu une boisson assez banale.Je suis navré, mais sincèrement, je ne vous aime pas du tout. Ah, Jimmy, si seulement tu pouvais le leur dire, la paix viendrait à toi.