Tout a commencé lorsque j'ai vu le jour à Séoul, à la tombée de la nuit. D'après mes parents, il neigeait cette nuit là et les routes de la capitale étaient devenues impraticables, rendant la venue de mes parents à l'hôpital difficile. Un peu plus et j'aurais peut-être échappé à ce destin que je n'ai pas eu le droit de choisir.
Avant même que je ne pointe le bout de mon nez sur terre, des scientifiques avaient réussi à les convaincre de participer à une étude en échange d'une vie meilleure. Jeunes et fauchés à l'époque, ils n'ont bien entendu pas refuser. Il y a 20 ans, le projet ne faisait que commencer et ses répercutions n'étaient pas encore connues. Jamais ils n'auraient pu deviner ce qui adviendrait de moi et je pense que si ça avait été le cas, ils y auraient réfléchi à deux fois.
Ainsi, ma première injection me fut administrée peu après ma naissance. A partir de ce moment, ma vie a changé et le chemin qu'elle aurait du prendre a été retracé en quelques minutes, le tout contre mon gré. Rabaissé à l'état d'expérience, je suis devenu le sujet n°06052280718.
Si il y a une chose qu'il faut savoir à mon sujet, c'est qu'à la base, l'expérience a bien débuté pour moi. Proche de la perfection selon les scientifiques, je n'ai jamais causé de problèmes et me suis toujours comporté de manière exemplaire. Toutefois, il a fallu qu'une simple dose, probablement celle de trop, chamboule l'expérience. Je suis donc devenu sourd à l'âge de 8 ans. Bien que cela remonte à quelques années, je me souviens très bien de cette nuit où je me suis réveillé avec l'impression d'avoir entendu un bruit sourd. En réalité, lorsque mes parents se sont rendus compte que mes oreilles saignaient et que je ne répondais plus à leurs appels, tout a été très vite. Je me rappelle avoir été amené au laboratoire pour que mon cas soit étudié jusqu'à ce qu'un diagnostic tombe. Pour une raison tout à fait étrange, j'étais devenu sourd du jour au lendemain.
Difficile pour un enfant de se faire à cette idée, surtout après avoir passé 8 ans de sa vie à entendre. Maintenant que je suis un adulte, j'ai appris à vivre avec et à supporter les remarques des autres à ce sujet. Néanmoins, j'ai toujours du mal à digérer le fait de ne pas être parfait, de n'être qu'une expérience râtée.
Même si ma vie n'est pas totalement désagréable, cela fait quelques mois que je commence à ressentir des changements. Sans que je n'en comprenne les causes, je parviens facilement à comprendre ce que l'on attend de moi ou ce qu'il se passe autour de moi sans même avoir à écouter ce que l'on me dit. Par moment, j'ai même l'impression d'entendre à nouveau, de reconnaitre des sons qui m'étaient autrefois connus. Que m'arrive-t-il ? D'où viennent ces voix dans ma tête ? Suis-je en train de devenir fou ?
Je n'ai que 19 ans et l'expérience ne semble pas aller en s'améliorant...
Mon caractère
Au niveau du caractère, on peut facilement dire que je suis quelqu'un de calme et bien souvent effacé. Depuis que je suis devenu sourd, je me suis éloigné des autres par peur d'être rejeté. De toute façon, personne ne comprend vraiment ce que je ressens et ne cherche à savoir ce qui ne va pas. Malgré mon empathie pour les autres, j'ai peur de m'en approcher. Néanmoins, si quelqu'un a besoin de moi, ou tout simplement d'aide, j'irais l'aider sans hésiter. Je ne supporte pas de voir la tristesse chez les autres ou toutes formes de sentiments néfastes.
Il m'arrive parfois de changer, notamment lorsque ces voix commencent à me rendre dingue. Je sais qu'elles n'existent pas, qu'elles me torturent pour que je termine comme les autres. Mais je veux rester lucide, je n'ai pas envie de finir attaché à un lit, à délirer sans que personne ne s'en soucie. Ce n'est pas la vie dont je souhaite, ce n'est d'ailleurs tout simplement pas une vie en soi.
Lorsque ces voix m'assaillent, je peux devenir violent et impulsif. Bien souvent, il m'arrive de crier pour qu'elles s'en aillent, de taper ce que j'ai sous la main ou de me faire mal pour calmer la partie de moi qui me torture contre mon gré. Dans ces moments là, je deviens quelqu'un d'autre, j'oublie ce qui m'entoure et ne pense qu'à entendre le silence. D'ailleurs, lorsque mes crises se calment, je ne m'en souviens pas toujours...